L'interview de Frédéric GAILLARD, auteur et membre du comité de présélection du Prix de la nouvelle humoristique 2016.

 

Auteur de nouvelles à l'humour grinçant, Frédéric Gaillard a répondu oui quand Libres Plumes lui a proposé de rejoindre le comité de présélection du Prix 2017.

Trois mois après avoir reçu les nouvelles et en préambule aux choix du comité, il revient sur sa participation et la lecture des nouvelles humoristiques reçues cette année.  

Frédéric Gaillard, vous avez lu les 102 nouvelles reçues en 2016 pour le prix 2017. Qu'est-ce qui a motivé votre participation au comité de présélection de cette  année ?

Tout d’abord la pauvreté des écrits des autres prix de cette rentrée littéraire : le Faminé, le Congourd, le Renaudouze, et j’en passe. Je dois d’ailleurs signaler à leur sujet qu’aucun de mes récents ouvrages n’était en lice à ces prestifgieux prix. Ce que je considère comme un véritable boycott intellectuel de mon œuvre, même si ma participation aurait tué dans l’œuf les susdites compétitions, à mon avantage. C’est aussi pour cela que j’ai refusé d’intégrer leurs jurys, malgré leurs supplications, refusé de passer des soirées mondaines à boire du champagne, manger de la coke et sniffer du caviar dans les beaux salons de l’intellectentia de la Capitale. Mis à l’index et n’ayant plus rien à lire ni à leur dire, je me suis penché sur ce prix-ci, malgré ma sciatique.

Ensuite, cela me donnait l’opportunité, après avoir participé à moult concours de l’autre côté de l’enveloppe, de découvrir l’envers du rideau des coulisses du décor, ce qui se tramait du côté de ceux que tout écrivain peut tour à tour maudire ou encenser, tantôt dieux s’ils nous sacrent tels, tantôt démons dès qu’ils nous plongent dans des enfers de dévalorisation par une simple lettre de refus, le plus souvent non argumentée. Je pouvais enfin comprendre ces fameux critères d’évaluation, de sélection des textes, attendus par les sacro-saints jurys, les appliquer à mes nouvelles (erreur grave) et pleurer en secret dans mon bureau, la tête dans les mains en ruminant mes échecs passés (aveu contrit).

J’étais inquiet sur ma légitimité à être de l’aventure, n’étant pas un professionnel de l’écriture mais un dilettante autodidacte bientôt diplômé en procrastination, ni bibliothécaire ni prof de français ni même bachelier, simple lecteur amoureux des mots, amateur de textes, ayant franchi depuis peu l’étape de l’écriture et encore plus récemment celle de l’édition… comme je suis toujours inquiet à l’idée d’être à la hauteur du « statut » qu’on me confère, celui d’écrivain, et souvent étonné et toujours fier quand ce qui sort de mon imagination enfiévrée via les touches de mon clavier a fait rêver quelqu’un.

J’aime le format de la nouvelle, qui peut laisser libre cours aux délires les plus farfelus, et comme il s’agit là de nouvelles humoristiques, il suffit de lâcher la bride. La dimension internationale m’intéresse aussi, un de mes textes ayant reçu une distinction lors d’un concours italien il y a quelques années, traduit pour l’occasion dans cette langue.

Approcher Jean-louis Fournier, prix Femina 2008 pour Où on va, papa, complice de Desproges, créateur de la noiraude, faisait aussi partie des raisons qui m’ont poussé à dire oui.

Et puis mon concours à cette aventure m’a été poliment demandé par Élodie. Et moi, quand on me demande poliment un truc qu’en plus j’ai envie de faire…  

 

Il est dit que l'exercice est difficile mais tout à fait intéressant. Etes-vous d'accord avec cette définition ? 

Passer « de l’autre côté » du miroir est intéressant pour un auteur, flippant aussi. Démoralisant parfois.

Démoralisant quand on se rend compte qu’une nouvelle qu’on n’a pas appréciée ressemble dans ses défauts à certaines qu’on a écrites… Intéressant et frustrant quand on en trouve de superbes, certaines auxquelles il manque juste un élément essentiel pour être parfaites ; d’autres qui sentent encore l’hésitation de l’écrivain débutant, maladroit, en pleine découverte de ce qu’il peut faire avec sa langue ! Encourageant quand on voit tous les gens qui écrivent, certains brillamment, mais toujours en premier lieu pour leur plaisir.

Difficile car je ne suis jamais très sûr de mes propres écrits, alors juger ceux des autres…

D’ordinaire, quand je lis un texte, je ne cherche pas à la noter. Je me dis juste en le terminant : Génial, cool, bof ou soporifique. C’est l’instinct qui commande. Pour cet exercice les critères étaient plus affinés

 

Pour vous et globalement le thème d'inspiration "Dans la vie il y a deux périodes. La première on attend les catastrophes, la seconde elles arrivent." a été respecté par les auteurs ?

Respecter les critères (chute, thème, humour,…) tout en restant spontané dans son écriture est difficile. Globalement tous ont réussi, certains mieux que d’autres. Quelques auteurs sont passés à côté d’un des éléments, ce qui ne fait pas pour autant de leur nouvelle un mauvais texte. J’ai cru sentir qu’un ou deux textes avaient été « recyclés », bricolés de quelques phrases pour coller au thème a minima et éviter un hors-sujet.

Pareillement le fait de réutiliser une citation in extenso au milieu d’une nouvelle est un art difficile auquel beaucoup s’essayent mais peu réussissent.

 

Quel type de nouvelles a remporté votre suffrage et quels ont été vos critères de sélection ?

Si la notion de plaisir n’y était pas lors de l’écriture, ça se sent dans le texte. Un texte sur lequel l’auteur a souffert sera souvent une souffrance pour le lecteur, même s’il est court. Les textes devaient réunir plusieurs critères : respecter la langue française, les règles de la nouvelle, être bien écrit, percutant, respecter le thème, être drôle , trouver une bonne chute qui lie tous les éléments du texte entre eux.

J’ai rajouté les miens : frissonner, hausser un sourcil, prendre une gifle, un coup dans l’estomac, être soufflé (par la poésie, l’audace, l’humour ou l’inventivité), rire nerveusement. Tous les signaux qui font qu’une histoire m’a accroché. Écrivain de fantastique, j’attendais de trouver cet élément au sein de certaines nouvelles, et finalement il est assez peu intervenu. Mais globalement un quart des textes a dépassé les 80% de satisfaction à mes yeux et aucun moins de 30…  

 

Avez-vous déjà participé à un comité de lecture pour un prix ? Qu'avez-vous retenu de l'expérience  vécu pour la prix de la nouvelle humoristique 2016 ?

La difficulté à les évaluer avec précision étant donné le grand nombre de textes et de critères, la peur d’être injuste, me mettant à la place de celui qui a écrit, qui a donné le meilleur de lui-même, et qui ne voudrait pas se prendre un carton ni une mauvaise appréciation. Aucun texte n’est mauvais en soi. Certains sont à retravailler, plus que d’autres. Mais quand je relis un des miens, je trouve toujours des détails qui ne me conviennent plus, des trucs à améliorer dans le style de certains passages. Je m’abstiens. Ce serait sans fin. Comme le sont la construction et l’entretien d’une maison.

Mieux comprendre les exigences des organisateurs de certains concours en terme de mise en page et typographie. Quand tu dois en lire 100, tu as les yeux qui se touchent très vite, alors si tu passes d’une police de caractère en 20 à une farfelue pleine d’arabesques en taille 12, tu pleures…

Faire partie du comité de présélection fut une expérience enrichissante que je retenterais bien à l’occasion, et qui se poursuivra avec l’aboutissement final au printemps pour la remise des prix.

Etant donné que le jury comporte une dizaine de lecteurs pour certains professionnels de l’écriture (plus que moi), je redoutais de faire « tâche », d’avoir un avis trop différent du leur et finalement je me rends compte que beaucoup des textes que j’ai mis en tête de ma liste se retrouvent en tête des leurs. Lesquels ? Suspense… . 

 

Un suspense insoutenable qui prend fin ici, dès maintenant.

Merci Frédéric pour vos réponses qui, nous l'espérons, rendront à tous les auteurs les hommages qu'ils méritent, finalistes ou pas.  Quant à nous, on se retrouve le dimanche 19 mars 2017 pour fêter ce prix littéraire hautement recommandé !  

 

Vous souhaitez en savoir plus sur Frédéric GAILLARD ? Visitez son Antre du Vieufou.

 

 

Propos recueillis par Libres Plumes