Comment j’ai survécu au prix de la nouvelle humoristique de Libres Plumes décerné à Auvers-sur-Oise…

par notre envoyée très spéciale


Quand on a l’habitude de la conduite anglo-saxonne et qu’on arrive à fond de ballon en pleine tempête de neige à Auvers-sur-Oise, le 17 mars 2018, on a le cerveau à l’envers, forcément. C’est certainement pour cette raison que Jean-Loup Mac Chiflette s’engouffre à contresens et à 10 heures du matin dans la rue près de la mairie. Prudente, Élodie Torrente, organisatrice Golden (comme on le constatera par la suite) stoppe net la circulation pour assurer la traversée de la route principale au président et à ses acolytes. Et accessoirement, éviter la prison à son super président du jour.

 

Quelques instants plus tard, installé dans l’annexe de la célèbre auberge Tatoux, réputée pour héberger des peintres sociopathes, le jury délibère. Chacun donne son palmarès. La tension est palpable quand, d’un bond de cabri, le président quitte la salle pour s’enfermer dans les toilettes, suivi de Pascal Fioretto, avec sur leurs talons, Sandrine Sénès, et Élodie Torrente qui s’inquiète :

- Qu’est-ce qu’il a Mac Chiflette ? Il me semble anxieux.

Fioretto confie, tout en se recoiffant à la DHL, que Jean-Loup est menacé d’enlèvement par « la bande des niais », tandis que Sandrine, maintenant très angoissée, demande avec insistance s’il y a des chauves parmi les finalistes. Élodie commence à se faire des cheveux blancs et m’envoie illico à la recherche d’antispasmodiques, d’antidépresseurs, d’un gendarme et d’une tondeuse pour chevelure clairsemée, puis me glisse à l’oreille :

- Il y avait bien quelque chose qui me plaisait chez eux, mais là, je n’arrive plus à m’en souvenir !

- T’inquiète, je sais ce qu’il me reste à faire, lui réponds-je, sûre de moi.

 

Rapidement, le GIGN, appelé en renfort, enceint le triangle d’or Mairie d’Auvers-Hôtel Tatoux-Librairie Plain-pied et notamment les toilettes du restaurant. Pendant ce temps, les services sanitaires, alertés par une recrudescence de poux asiatiques, plantent une tente sur la place du village.

 

Fièrement, je rejoins Élodie dans l’arrière-cuisine du restaurant et lui annonce :

- Notre président est sous protection et Sandrine aussi car y’a des chauves en veux-tu en voilà.

Élodie, soulagée, s’assoit en saisissant un économe et, machinalement, tout en s’insurgeant sur l’absence de sous-titres pour les sourds sur la carte des menus, commence à éplucher une pomme. Ça la détend. Puis deux, trois, quatre...

- Des pommes, des pommes et des scoubidous, wouaaah !, ahane-t-elle pour expulser son futur burn-out.

 

C’est dans ce moment de grand soulagement que naît la nouvelle version de la tarte Tapin de l’auberge Tatoux, aussi haute que deux quatre-quarts bretons, et que Jean-Loup Mac Chiflette peut enfin sortir en toute sécurité des toilettes de l’annexe.

Tout ragaillardi après le copieux repas, le président prend la parole pour animer une masterclass, puis avale deux ou trois antidépresseurs destinés à prévenir la future maladie mentale qui le guette (il souhaite décerner le prix aux treize finalistes présents !). Sandrine Sénès, de son côté, prend des notes dans son petit carnet pour son prochain roman (Chauves du monde entier, unissez-vous ! Titre provisoire) pendant que Fioretto, l’œil acéré et le flair aiguisé, cherche à repérer les potentielles « personnes de couleur sachant écrire correctement dans un sous-sol et en se la fermant, s’il vous plaît » au cas où « on ne sait jamais, quelqu’un pourrait en avoir besoin ». Mac Chiflette, tourmenté et ému par l’obligation de garder le secret sur le résultat des délibérations, tord le bord de son kilt en s’excusant de ne pouvoir récompenser tous les auteurs retenus. Les antidépresseurs font déjà effet, il signe contrats d’édition, chèques et dédicaces… à l’encre sympathique.

 

Le moment tant attendu de cette folle journée arrive ! Jean-Loup Mac Chiflette entre dans la mairie avec ses complices en brandissant le trophée, et lance à la foule : « plus vous caressez le dos d’un chat, plus il relève la queue.*». Elodie se désespère de ne pouvoir glisser un crayon dans le « troisième œil » de Dubout. La maire d’Auvers, le port altier et la culture en bandoulière, magnifie par un discours cet instant de félicité : l’annonce (enfin !) du palmarès. Lecture du vainqueur. La salle applaudit. Arrivé de Belgique, Bébert, le lauréat, s’avance des étoiles plein les yeux, Pierrot, deuxième prix, remercie sa femme et sa fille, muses et héroïnes de son œuvre tandis que Mathilde, n’étant toujours pas revenue, a envoyé sa cousine qui est immortalisée et reçue en tant que nouvelle star du troisième prix. Lors de la réception qui suit la remise des récompenses, Fred-So de Braize, talentueuse auteure costumée pour cette grande occasion, lance une boule de neige à Torrente. C’est ainsi qu’elle tape dans l’œil de l’organisatrice. « Toi, lui assure cette dernière, je te retiens pour le jury de l’année prochaine ! »

 

Quant à moi, je crois que j’ai un don pour éviter les catastrophes… Et puis, il y a quelque chose que j’adore chez eux, je suis certaine de m’en souvenir. Depuis, j’ai élu domicile dans un canapé sur l’Oise, c’est la preuve, s’il en fallait une, que je reviendrai ! Enfin, si Libres Plumes m’invite…

 

Sophie Dolléans

 

*Proverbe écossais




L'interview radio d'Élodie Torrente

par Clémence de Sagazan, journal du soir RGB.